Une aporie est une technique de réflexion qui vient montrer à un interlocuteur que ses représentations le placent dans une impasse de raisonnement. Elle consiste dans l’énoncé d’idées d’apparence contradictoire. La position défendue par l’interlocuteur est particulièrement affirmée comme le seul point de vue légitime mais elle est confrontée à l’hypothèse d’une autre possibilité. Ce type de réflexion a pour effet de déstabiliser la personne en créant un embarras dû à sa logique interne (cf. principe d’harmonie).

La contradiction exprimée par une personne sur ses propres positionnements est une marque de dysharmonie. Elle témoigne d’un état d’incohérence. Elle se présente sous la forme d’une forte affirmation d’un non-sens. Voici un des énoncés les plus courants :

  • Je veux que l’autre me rende tout de suite et librement ce qu’il dit avoir légitimement pris. Et s’il le fait, cela prouvera qu’il est de mauvaise foi depuis le début et alors il devra le reconnaître et faire allégeance pour cela.
  • L’autre qui est un menteur doit reconnaître qu’il m’a lésé intentionnellement. Mais comme je ne le crois plus, s’il le fait, je ne le croirai pas…

Le raisonnement aporétique consiste donc à confronter une personne à ses contradictions, leurs conséquences ou leurs enjeux. Le but est de permettre à cette personne de démêler son schéma de pensée.

Lorsqu’il s’agit de contradictions impliquant des références morales, la démarche consiste à faire énoncer les attentes de la personne, puis de lui restituer les conséquences de ses positions morales si elle se les applique.

La rupture à titre d’exemple

A titre d’exemple, le mariage consiste à s’unir avec une personne dans un engagement ferme de secours, d’assistance et de fidélité.

La personne qui s’oppose à la dissolution de son mariage, s’appuie sur l’idée que l’engagement premier consiste précisément à unir les deux libertés de décision. Cette personne en tire comme conséquence que la décision de rupture ne peut se faire que conjointement. En corollaire, la dissolution ne peut être envisagée que si les conjoints sont d’accord. Dans la représentation morale, il est dit que le mariage est pour le meilleur et pour le pire.

Mais, dès lors que le mariage devient un enfermement pour l’un des époux, soit un emprisonnement, une aliénation, une perte de la liberté qui a permis l’engagement premier, alors il n’est plus libre. Or, le mariage est initialement libre. S’il n’est plus libre, il a perdu sa valeur fondatrice. De ce fait, l’union devrait être dissolue d’un commun accord pour permettre à chacun de recouvrer sa liberté.

Le mécanisme aporétique fait passer la personne par une étape d’observation de ce que l’autre partie recherche dans une dynamique manifestement conflictuelle. Elle vise à clarifier tous les comportements qui paraissent antagonistes. C’est la première étape.

Ensuite, le médiateur retourne à son interlocuteur les différents points et lui demande de se les approprier ; c’est-à-dire de les appliquer à ses propres attitudes, comportements et positionnements. La conséquence est une prise de conscience que ce qui est reproché à l’autre est aussi quelque chose que la personne fait elle-même. C’est la cour de récréation où les enfants se disent c’est celui qui dit qui y est.

Pour que le chemin aporétique soit le plus parfait, le médiateur est conduit à faire énoncer deux types de dynamique contradictoire : l’accusation de l’autre et la culpabilité en soi. La première a été énoncée lors de l’observation des comportements reprochés à l’autre. La seconde vient avec la prise de conscience. En fait, la culpabilité est la première marche vers la prise de responsabilité.

La conclusion de la démarche aporétique est celle d’une prise de décision en toute autonomie, sachant là où l’autre a décidé de se situer et à ne pas faire obstacle à sa liberté, tout en préservant désormais la sienne.

Application en entreprise

Le même type de raisonnement peut être suivi pour ce qui est de la relation entre un salarié et une entreprise. Tout l’enjeu porte sur la relation confusionnelle entre les notions d’appartenance et de propriété.