Dans un conflit, chaque partie a perdu quelque chose. Afficher le gagnant-gagnant, c’est présenter la médiation comme une pratique simple de négociation. Or, en médiation, la première chose qu’un médiateur accompagne réside dans l’apaisement de la dynamique affective, voire émotionnelle d’un différend.

La dimension affective d’un conflit témoigne des pertes qu’une personne au moins a subi sur le plan émotionnel. Le gagnant gagnant fait référence aux aspects matériels. Dans un conflit, les deux parties ont perdu quelque chose : leur espoir, leur confiance, leur projet… Elles vont devoir trouver une solution de reconstruction, laquelle n’est pas dans le gagnant-gagnant, mais le moins insatisfaisant possible, voire le plus satisfaisant possible et, parfois, le moins perdant possible, se référant au passé qui laisse toujours, en abordant la médiation, la marque d’une déception, d’une amertume, d’une rancune, d’un remord, d’un regret…

Si en négociation commercial, ce concept est une perspective réaliste, en médiation, compte tenu du conflit vécu, il s’agit d’une illusion intellectuelle susceptible de rendre la médiation illusoire, voire irrespectueuse de la réalité en cours… Encore que, il faudrait s’assurer que le perdant dans un accord affiché gagnant gagnant n’a pas fait des perdants collatéraux…

Afficher « gagnant-gagnant », ce serait également négliger, minimiser, voire ne pas considérer le côté « perte » volontairement consenti par les parties, et donc, par conséquence, se serait également afficher la « non-reconnaissance » de l’effort, l’intelligence de la réflexion intellectuelle, la bonne volonté, et surtout, de l’autonomie acquise ou retrouvée par la personne, au niveau de sa prise de décision, notamment sur le choix difficile d’abandon de certains objets.

En bref, la notion de gagnant-gagnant appartient au système économique, d’entente sur des marchés et n’est pas compatible avec la résolution des conflits où la charge émotionnelle et souvent l’histoire ne rend pas crédible, sinon aux yeux de celui qui ne se sent pas concerné, avec la résolution du différend. L’usage de ce système de raisonnement pour envisager l’accord entre des parties est de type sophistique – illusoire et trompeur.

……………………………………A………………………..|………………B……………………….|

Gagnant……..|………………………………………….|………………………………………….|

Perdant………|………………………………………….|………………………………………….|

Il n’est donc pas étonnant qu’avec ce type de notion pourtant véhiculé avec force par les commerciaux de la culture du profit, les conflits les plus graves, ainsi que de nombreux autres, ne trouvent pas d’issues, parce que la notion même apparaît être une insulte à l’histoire de ceux qui subissent ou qui ont subit la violence des heurts.